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43 la modalité schizo-paranoïde des représentations et des affects mobilisés par un sujet qui a été presque conditionné pour revenir à cette position infantile où tous les objets du monde sont clivés en bons et mauvais, les premiers étant internalisés et les seconds projetés sur les figures externes. Cela met en exergue une tension face à un avenir plus incertain, favorisant, dans certains cas, la régression vers des schèmes plus archaïques, notamment lorsque l’épreuve de la réalité se fait jour à travers les orientations scolaires, la préparation de l’année prochaine, les objectifs que les parents, les écoles et les services peuvent vouloir fixer sans que l’enfant puisse avoir le temps de renouer avec le monde. De manière plus large, l’anthropologie nous enseigne que l’être humain n’est un être sédentaire que depuis l’avènement de l’agriculture. Jusqu’à cette révolution dunéolithique, auVIIIe siècleavant notreère, s’étendent les centaines de milliers d’années durant lesquelles l’homme était un nomade, constamment en train de se déplacer et de vivre en groupe pour se défendre d’un environnement hostile. Le système nerveux humain est organisé selon ces paramètres qui incluent le déplacement, l’action et la relation aux semblables, toutes choses que la modernité a modifiées, sans en changer l’essentiel. Par conséquent, la restriction des mouvements et la distanciation sociale questionnent notre propre équilibre. Les nouvelles technologies de la communication numérique offrent-t-elles les moyens d’une compensation suffisante, ou s’agit-il là d’une médiation qui peut également nous éloigner, à long terme, de la complexité d’une authentique intersubjectivité? Auteur : Kevin PROUST Psychologue clinicien à l’accueil de jour de Corbeil et au SESSAD Relecture : Dr Florent COSSERON Psychiatre Jean-Baptiste ROUSSEAU Psychologue clinicien «CONFINEMENT : POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE» Note sur l’expérience de confinement vécue depuis le SESSAD Tandis que depuis quelques semaines la « vie normale» semble reprendre ses droits et que nous commençons à avoir un peu de recul, le moment est peut-être venu de tirer quelques réflexions sur cette période de « vague épidémique», ses répercussions sur la vie d’une institution telle que le SESSAD, ainsi que sur la prise en charge des patients qui y sont suivis. S’il fallait qualifier cette «vague», je dirais qu’elle s’est déroulée en trois temps: la survenue du risque sanitaire dont la réalité palpable a surpris tout le monde, puis l’expérience inédite du confinement et enfin celle non moins étrange du «dé-confinement progressif» dont les termes demeurent flous, encore aujourd’hui. À y regarder de près, une telle succession d'événements ne révèle que progressivement sa complexité et il est sans doute prématuré de prétendre en cerner les impacts, d’autant que ceux-ci se conjuguent sur plusieurs registres. Au sein des psychismes individuels, dans les différentes représentations collectives plus ou moins internalisées telles que le gouvernement, l’école, l’institution d’aide, la cellule familiale; mais aussi du point de vue des acteurs de soin dont la pratique s’est trouvée bousculée et exportée «à distance», pour le meilleur et pour le pire… Au SESSAD, les membres de l’équipe, surpris comme les autres mais censés disposer de «boîtes à outils» à mobiliser dans l’urgence, ont pu s’en sortir en faisant appel à une créativité plutôt distanciée de tout savoir théorique et de tout a priori, en tentant de recréer un cadre proprement clinique avec les moyens du bord. Nous avons beaucoup appris de nos patients. Et nous avons aussi beaucoup appris de nos collègues que l’expérience a permis de mieux connaître et avec lesquels, paradoxalement, nous avons pu trouver plus facilement du temps d’élaboration. Nous avons pris l’habitude de nous contacter plus fréquemment et de nous concerter selon des regroupementsàgéométrievariablequiontpus’affranchir des limites habituelles de la seule et trop brève réunion de synthèse hebdomadaire. Parmi les ressources que cette période a pu révéler pour le meilleur, l’expérience du confinement a constitué dans la vie du SESSAD une véritable leçon de psychothérapie institutionnelle qui a fait vivre, comme jamais, les aspects les plus féconds de la pluridisciplinarité. L’expérienceduconfinementarévéléd’autresressources, je tenterai d’en recenser certaines. Mais hélas, du côté des patients comme du côté de la vie institutionnelle, il y eut aussi des dégâts et, avec le temps, sont apparues les limites de toute démarche substitutive.

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