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42 L’échec des aménagements défensifs est en effet un risque potentiel et qui augmente, pour certains profils, avec la durée et la radicalité du confinement. Il est probable que la grande majorité des cas montrera plutôt des évolutions pathologiques de type névrotique, avec des ruminations créant des dyssomnies plus ou moins caractérisées, une labilité thymique ou, dans certaines situations, l’émergence d’obsessions et de compulsions, notamment si les prescriptions d’hygiène habituelle deviennent de véritables rituels de lavage. Ces éléments symptomatologiques concernent davantage les adultes et donc les parents des enfants dont le parcours de soin nous enjoint à penser que leurs difficultés vont s’exprimer davantage en réaction à leur milieu familial. Cependant, rappelons que la manière de traiter l’angoisse diffère d’un sujet à l’autre, et plus encore pour l’enfant, qui est un être en construction dont on ne saurait dire comment il s’adaptera. Si l’on se réfère à la théorie systémique, le sujet n’est pas «propriétaire de ses symptômes » et ceux-ci sont liés à un contexte de règles et de rôles que la famille organise comme le ferait un système vivant, au sein de son propre métabolisme. Cela ne signifie aucunement, comme on a pu trop souvent le dire, que la famille est la cause de la pathologie, mais que le symptôme ne peut être compréhensible que dans le contexte où il se produit et où il prend sens, car il joue un rôle dans les interactions en cours. Il favorise en effet un équilibre relationnel, parfois malheureux, que l’on peut rapprocher d’un processus homéostatique. Aussi, de nombreux troubles du comportement perdurent si on les traite isolément, séparément et que l’on ambitionne de les faire disparaitre sans s’intéresser à ce qu’ils permettent et souvent à ce qu’ils protègent au sein de la structure systémique qui les organise. Dans ce cadre, l’appartenance au groupe familial que présuppose la nature du discours sur les troubles comportementaux où l’enfant «n’a pas des symptômes » mais semble «être» le symptôme, invite à un travail sur le groupe familial qui désigne le sujet comme problématique. Dans le contexte dont nous parlons, la question sera de savoir si les processus d’équilibration au sein du cercle familial seront momentanément grippés ou, tout au contraire, dévoileront leurspotentiels, enpermettantdesurmonter les effets anxiogènes d’une période complexe pour l’ensemble du corps social. Une telle accommodation interroge la sécurité des attachements, mais aussi la dynamique familiale, classiquement décrite selon deux registres de transactions. Le premier registre, dit chaotique, est relatif à une immédiateté des crises successives où un événement familial en chasse continuellement un autre, engendrant une saturation des informations et un rapport exclusif au présent. Le deuxième registre, dit rigide, présuppose tout l’inverse et nous laisse aux prises avec une famille où le temps semble s’être arrêté, révélant une forme d’immobilisme assorti d’un discours rôdé, répétitif, dans lequel les relations n’évoluent pas et la quantité d’informations qui circule semble faible. Dans ces deux cas, extrêmes, on peut se demander si le confinement peut avoir des répercussions importantes, en augmentant par principe le chaos ou la rigidité des systèmes. Bien qu’il faille rester prudent, une attention donnée à ces postulats théoriques permet de guider certains entretiens téléphoniques, et peut conduire les psychologues d’orientation systémique à interroger la manière dont les familles vivent le temps dans l’espace restreint qui leur est laissé. Ajoutons combien il est parfois étonnant d’observer des familles qui, paradoxalement, s’équilibrent mieux durant le confinement, et découvrent des ressources insoupçonnées. Le temps familial imposé par le confinement permet parfois aux enfants, comme aux parents, d’aménager leurs relations autrement et, par là même, d’assouplir les représentations des uns et des autres sur le système d’appartenance que forme la famille. Cet enjeu est intéressant dans la mesure où il suppose que les effets psychologiques du confinement ne seront pas nécessairement négatifs partout. Les questions chez les parents, comme chez les enfants, lors des entretiens téléphoniques et des visites à domiciles encadrées, sont plutôt celles sur le temps du dé-confinement, un sujet plus anxiogène que « le bon sens » le laisserait entendre. Comment renouer avec l’extérieur un lien de confiance alors même qu’il a été psychiquement inscrit, pendant plusieurs mois, comme un espace menaçant ? Les psychanalystes ne pourront pas faire l’économie d’une analyse sur

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