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40 Comment interpréter ces résultats? Peut-on les mettre en corrélation avec nos observations auprès des enfants et des parents? Une vigilance particulière doit être portée à l’évaluation de l’équilibre des systèmes familiaux, de leurs potentiels de résilience, des effets également positifs qui peuvent naître de circonstances aussi exceptionnelles. Par ailleurs, les ressources insoupçonnées que les enfants sont susceptibles de mobiliser, y compris sur le plan des dynamiques inconscientes, correspondent à des processus de haute complexité qui ne doivent pas être oubliés. A ce titre, c’est en demeurant fidèle à un travail au cas par cas que les modalités d’intervention restent opérantes. Néanmoins, le risque de troubles psychiques accentués par le confinement est un facteur à anticiper et mérite une réflexion théorique et clinique. Dans nos observations récentes, plusieurs cas de figures peuvent se présenter: Le risque du repli sur soi Si certains jeunes réagissent en restant encore plus à l’écart de leur cercle familial et social, d’autres se trouvent piégés avec leurs parents dans un confinement faussement confortable qui favorise les stases fusionnelles. Dans ce cas, la situation arrange paradoxalement des parents et des enfants plus angoissés à l’idée de se quitter des yeux que de trouver des voies d’individuation pourtant indispensables à leur équilibre respectif. Nous remarquons ce phénomène pour certaines situations d’enfants présentant des dysharmonies psychotiques. L’accentuation des facteurs d’addiction Des enfants déjà dépendants des écrans courent le risque de s’enfermer encore plus dans un monde virtuel, notamment s’il s’agit d’un univers en réseau. D’autres risques addictifs sont observés: alcool, cigarettes pour les adolescents. Mais la majorité des situations posant problème est associée aux jeux vidéo, aux plateformes Internet, et peut enclencher une véritable addiction comme modalité de substitution à des sorties désormais impossibles. Le décalage du rythme circadien Nous observons des décalages inquiétants des rythmes veille-sommeil de certains jeunes qui vivent la nuit et dorment le jour, ou éprouvent beaucoup de mal à constituer un emploi du temps qui structure leurs journées. Certains jeunes, sur le versant des troubles limites, semblent plus sujets que les autres à ce décalage durant le confinement. L’augmentation des conflits interpersonnels L’effort consenti par les parents pour occuper leurs enfants, rappeler les règles de vie au quotidien et fournir un cadre, notamment avec des horaires, peut devenir épuisant et enclencher des situations de conflits répétitifs et systématisés qui augmentent l’anxiété groupale au sein du foyer. Le risque que nous devons alors anticiper est celui d’une escalade des tensions menant à une violence psychique ou physique. La raréfaction ou l’augmentation du travail scolaire Des parents peuvent demeurer très à distance du travail scolaire de leur enfant ou s’y impliquer tellement qu’un déséquilibre peut être repéré par les professionnels. Le fait de reprendre des éléments avec les parents semble indispensable dans de nombreuses situations où le scolaire devient un enjeu qui déborde les apprentissages et ouvre une réflexion sur les éléments psychiques, souvent imaginaires, qu’il vient recouvrir. Quelles préconisations donner dans ce cadre spécifique? Il n’existe pas de recettes-miracles et le soutien apporté, l’écoute et la mobilisation des professionnels se mettent en place selon la manière dont les liens ont été tissés avec les jeunes avant l’épidémie. Ce sont les caractéristiques singulières de la relation qui forment la matrice de l’accompagnement soignant au sein d’un dispositif DITEP. Aussi, c’est en comptant sur la conscience de cette intersubjectivité, si précieuse, que le travail à distance conserve un intérêt certain. Assurer la continuité du lien est un enjeu majeur de santé mentale, dont toutes les équipes sont conscientes.

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